Les artisans créateurs ont-ils le droit de vendre des masques en tissu ?

Alors que la date du déconfinement approche, de plus en plus d’informations circulent sur les réseaux sociaux, concernant la confection et la commercialisation des masques en tissu. Certaines publications ont donné lieu à une lecture erronée de la note d’information du 29 mars 2020 des ministères de la santé, de l’économie et des finances, et du travail.

Dans ce contexte, nous vous proposons un point juridique sur la vente de masques en tissu sur le territoire national. Vous disposerez, ainsi, d’informations légales à jour afin de comprendre la différence entre les masques labellisés « grand public » à destination des professionnels en contact avec le grand public, et les « masques barrière » à destination des particulier.

I. LES MASQUES BARRIERES AFNOR

Depuis le début de l’épidémie, les initiatives de confection de masques en tissu se sont multipliées chez les artisans créateurs et les couturier.e.s pour faire face à la pénurie de masques.

1/ Le référentiel AFNOR SPEC S76-001
Afin d’assurer une filtration d’au moins 70%, l’AFNOR a mis à disposition un référentiel de fabrication de masques à usage non sanitaire dit « masques barrières ». La première version du guide a été publiée le 27 mars 2020 sur le site de l’AFNOR et la version mise à jour en date du 28 avril 2020 est disponible au téléchargement.

2/ Un usage non sanitaire à destination des particuliers
Grâce au document émis par l’AFNOR, les artisans créateurs disposent d’indications fiables de conception de masques à destination de la population pour un usage personnel. En effet, ces « masques barrières » viennent en complément des gestes barrières de lutte contre la propagation de l’épidémie de Coronavirus, promus par Le Ministère des Solidarités et de la Santé.

Les « masques barrières » sont, donc, destiné aux particuliers en bonne santé pour un usage quotidien. En aucun cas, ils ne doivent être proposés aux personnes atteintes d’une infection virale ou bactérienne, ni aux personnes présentant des symptômes respiratoires pour lesquels le port d’un masque chirurgical est requis. Le masque barrière est, ainsi, à destination non sanitaire.

3/ La possibilité de commercialiser les masques barrières
Ce référentiel a été tout spécialement pensé pour les « néofabricants » et les particuliers. Il faut entendre par « néofabricants » les artisans créateurs, les couturiers professionnels et les fabricants non spécialisés dans la confection de masques. En visant tout particulièrement le « néofabricant », l’AFNOR reconnait explicitement la possibilité de vendre ces « masques barrières ». 

Notons que pour ceux qui souhaitent être référencés par l’AFNOR, il est possible de s’inscrire sur le site. Dans ce cas, les masques doivent soit être mis à disposition soit vendus à prix coûtant. En revanche, pour ceux qui ne souhaitent pas être référencés par l’AFNOR, les prix de vente des masques barrières sont fixés librement. A ce jour, le gouvernement n’a pas fixé de prix plafond pour cette catégorie de masques en tissu.

4/ Une commercialisation sans obligation de tests
Le guide Afnor indique d’autre part à la page 9 que « le masque barrière n’est pas soumis à une évaluation de conformité obligatoire par des organismes notifiés ou laboratoires. Sa conception selon les règles de l’art, sa fabrication et son contrôle de qualité de la production restent à la responsabilité du fabricant« . Les artisans créateurs peuvent par conséquent mettre en vente les masques barrières de leur fabrication sans réaliser de tests préalables ni obtenir de certification par un organisme tiers.

5/ La déclaration de conformité
Le guide de l’AFNOR ne définit pas d’exigences particulières d’étanchéité entre l’intérieur du masque et le visage de l’utilisateur. Cependant, il fixe des règles de performance globale du masque barrière grâce à des règles de conception, de matériaux, d’ajustement, de respirabilité…
La fabrication d’un « masque barrière », d’autant plus s’il est mis en vente par la suite, doit être respecter les spécifications du référentiel AFNOR SPEC S76-001.

Une déclaration de conformité doit être fournie par l’artisan créateur lors de la vente du masque. Cela correspondant à une déclaration sur l’honneur indiquant que le « masque barrière » a bien été réalisé selon les recommandations de l’AFNOR. Les mentions obligatoires devant figurer sur la déclaration de conformité sont énumérées en page 21 du référentiel AFNOR à la section marquage et notice d’information . Il s’agit de préciser sur un document papier, que vous joindrez à l’emballage du « masque barrière » lors de son expédition à votre client, les éléments suivants :
– la mention « masque barrière AFNOR SPEC S76-001 »
– le nom de marque
– l’indication de taille (« junior » ou « adulte »)
– les avertissements et recommandations d’usage.

Par mesure de précaution, nous vous recommandons de reporter sur vos fiches produits les mentions devant être énumérées sur la déclaration de conformité.

L’AFNOR spécifie d’autre part qu’à compter de la publication du guide et pour une durée d’un an, les « masques barrières » produits en conformité avec les recommandations de l’AFNOR, sont réputés satisfaire aux exigences d’une protection à 70%.

II. LES MASQUES LABELLISES « GRAND PUBLIC »

1/ Un usage destiné aux professionnels en contact avec le grand public
Les masques « grand public » sont des masques en tissu destinés essentiellement aux professionnels en contact avec le grand public dans l’exercice de leur activité. Lavables et réutilisables, ils répondant à des spécifications techniques prévues en annexe de la note d’information interministérielle en date du 29 mars et mise à jour le 26 avril 2020.
Notons dès à présent que cette note ne remet pas en cause le référentiel AFNOR SPEC S76-001 et la commercialisation des « masques barrières » à destination des particuliers.

2/ La note d’information interministérielle
La note d’information des ministères des Solidarités et de la Santé, de l’Economie et des Finances, du Travail, de l’Action et des Comptes Publics définit les conditions de mise sur le marché des masques « grand public » et prévoit la mise en place de deux catégories de masques :

• La catégorie 1 : elle correspond aux masques individuels à usage des professionnels en contact avec le public, dont l’efficacité de filtration est supérieure à 90%. Ces masques protègent les individus en contact régulier avec le public,
• La catégorie 2 : il s’agit des masques de protection à visée collective dont l’efficacité de filtration requise est de 70%.

3/ Une certification obligatoire préalable à la mise en vente des masques “grand public”
Les entreprises souhaitant commercialiser ces masques ont l’obligation de disposer de la certification “masque grand public” et pour ce faire devront préalablement :
Faire réaliser des tests par des tiers compétents (laboratoires,…), déterminant les performances des masques au regard des spécifications de l’Etat. Les résultats des essais devront pouvoir être présentés aux services de contrôle,
• Apposer sur le produit ou son emballage le logo permettant d’identifier les masques « grand public »,
• Demander, via l’adresse [email protected], la publication par le gouvernement des résultats de ces essais sur cette page, Indiquer les performances de filtration sur l’emballage.
• Indiquer les performances de filtration sur l’emballage.

Lors de la commercialisation de ces masques, les entreprises devront, également, mettre à disposition du public une notice avec le mode d’utilisation, le lavage et l’entretien du masque.

4/ Les modalités d’acquisition des masques « grand public »
Les professionnels qui souhaitent acheter des masques pour leurs salariés ou leurs collaborateurs peuvent notamment le faire via la plateforme créée à l’initiative du ministère de l’Economie et des Finances.


En conclusion, les artisans créateurs peuvent tout à fait commercialiser des « masques barrière » sans tests, certification ou label dans la mesure où leur fabrication répond aux spécifications du référentiel AFNOR SPEC S76-001.
Au regard des différents éléments que nous avons abordé dans cet article, il est important de garder à l’esprit la différence entre les masques labellisés « grand public » destinés principalement aux professionnels dans le cadre de leur activité professionnelle et les « masques barrière » à destination des particuliers.
Aussi si vous vendez des « masques barrières » dans votre boutique, vous ne pourrez en aucun cas utiliser la mention « masque grand public » car cette appellation est soumise à certification et nécessite l’apposition d’un logo sur ces masques en tissu. La mention adéquate est « masque barrière AFNOR SPEC S76-001 ».

Maître Lahlouh, avocate au Barreau de Paris

NB : Cet article a été rédigé le 4 mai 2020 en l’état actuel de la législation en vigueur et la communication gouvernementale.


NOTE ADDITIONNELLE DES MARKETPLACES CREATIVES
Le 4 mai Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, a fait une communication publique confirmant l’analyse de Maître Lahlouh des textes officiels relatifs aux « masques barrières » :


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BLOG | Les artisans créateurs ont-ils le droit de vendre des masques en tissu ? – Alors que la date du déconfinement approche, de plus en plus d’informations circulent sur les réseaux sociaux, concernant la fabrication et la vente des masques en tissu. Certaines publications ont donné lieu à une lecture erronée de la note d’information du 29 mars 2020 des ministères de la santé, de l’économie et des finances, et du travail. – Dans ce contexte, @cabinet.lahlouh.avocat vous propose un point juridique sur la vente de masques en tissu sur le territoire national. Vous disposerez, ainsi, d’informations légales à jour afin de comprendre la différence entre les masques labellisés « grand public » destinés essentiellement aux professionnels en contact avec le grand public, et les « masques barrière » à destination des particuliers. – Tandis que la production de masques « grand public  » est soumise à certification, les artisans créateurs peuvent tout à fait fabriquer et commercialiser des « masques barrière » sans tests, certification ou label en s’appuyant sur les recommandations du référentiel AFNOR SPEC S76-001. – 👉 Le lien de l’article est en bio. – Les informations erronées, qui ont circulé sur les réseaux sociaux, concernant une interdiction totale pour les créateurs de vendre des masques en tissu, ont eu la regrettable conséquence de conduire des centaines de créatrices de retirer tous leurs masques de la vente en l’espace de 48h et de semer le trouble auprès des clients du fait main. – ❤️ Taggez vos amies couturières sous ce post et partagez l’article en bio afin qu’un maximum de personnes puisse prendre connaissance des véritables informations au sujet des « masques barrières » pour les particuliers. – #masquebarriere #masquesbarrière #masqueafnor #masquegrandpublic #couture #artisanat #creatricefrancaise #afnor

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Commentaires (7)

    Bonjour,
    Merci pour cet article récapitulatif.
    Je suis couturière artisan et j’ai deux questions. La première, si l’on met en vente, nos masques barrières artisanaux peuvent-ils être contrôlés par les autorités? Et la deuxième, que faire lorsque l’on souhaite utiliser des tissus qui ne figurent pas dans le tableau des tissus proposé par l’AFNOR? Merci pour vos réponses et votre travail!

      Bonjour,
      Vos masques barrières peuvent effectivement être contrôlés comme tout produit mis sur le marché. Si tel est le cas, vous devrez justifier du respect des recommandations AFNOR (spécificités du tissu, dimensions…).
      Si vous ne suivez pas les recommandations tissu de l’AFNOR, il conviendra de prouver que celui que vous avez substitué répond strictement aux même caractéristiques. Il apparait difficile dans ce cas d’utiliser l’appellation masque barrière.

    Bonjour
    Au début du confinement il n’y avait pas de norme afnor. Mes masques ne sont donc pas afnor. Que puis je faire !?
    Puis je les vendre qd même selon mon tuto maison ?
    Merci

      Bonjour,
      il est préférable de suivre les recommandations AFNOR. Actuellement, il n’est pas interdit de vendre des masques en tissus (autre que barrières), mais cela risque de changer.

    Un grand merci pour cette article qui remet les choses en bon ordre.

    Bonjour,
    Merci pour ce message qui remet les choses à plat et qui est très clair et rassurant.
    J’ai une question qui m’a été posé par une amie couturière :
    Des commerçants souhaitent lui commander des masques, pour les offrir gracieusement à leur clientèle.
    Est-ce que cela est possible ?
    Je lui ai répondu que si les masques sont pour les commerçants c’est non, car ils leur faut des masques grand public. Mais que si les masques sont bien pour leur client, il n’y a rien qui s’y oppose à condition de bien informer les clients que les masques sont pour un usage privé et non professionnel. Est-ce la bonne réponse ?
    En vous remerciant d’avance,
    Cdt

      Bonjour,
      Effectivement, les commerçants doivent se munir de masques grand public, destinés aux professionnels.
      Si les masques sont à destination de clients non professionnels, des masques barrière peuvent être proposés gracieusement.Vous avez parfaitement compris la distinction.
      Petite précision, les masques devront être accompagnés d’une notice d’utilisation.

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