Une plateforme en ligne peut se définir comme un « service occupant une fonction d’intermédiaire dans l’accès aux informations, contenus, services ou biens, le plus souvent édités ou fournis par des tiers. Ces services d’accès organisent et hiérarchisent les contenus en vue de leur présentation et de la mise en relation des utilisateurs finaux ».
Que vous soyez consommateur ou professionnel, des recours vous sont ouverts en cas d’abus caractérisé de la part de l’exploitant d’une plateforme en ligne. L’objectif de cet article est de faire un point sur les recours envisageables pour les professionnels utilisant des plateformes en ligne.
1. L’action de la DGCCRF
Au-delà des litiges d’ordre contractuel, qui peuvent être réglés amiablement ou devant les tribunaux civils, il est possible de déposer une plainte auprès de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes).
La DGCCRF est une administration française relevant du ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, qui a pour missions principales le respect des règles de concurrence et la protection économique des consommateurs. S’agissant des règles de concurrence, la DGCCRF lutte contre les ententes et les abus de position dominante, prévient et contrôle les pratiques commerciales déloyales entre professionnels et, de manière générale, agit pour l’équilibre des relations commerciales entre professionnels.
S’il existe des raisons sérieuses de penser qu’une plateforme en ligne s’est rendue coupable d’une infraction ou d’un manquement impactant le jeu de la concurrence, alors la DGCCRF pourra décider de mener une enquête afin de déterminer si l’infraction et/ou le manquement est avéré ou non. Le cas échéant, le DGCCRF ou le ministre de l’Economie pourra saisir la juridiction compétente afin de rétablir le juste jeu de la concurrence et, au besoin, déclarer nulles les clauses abusives et déloyales, portant une atteinte significative à la concurrence.
2. Les infractions et les manquements dans les rapports entre professionnels et exploitant de plateforme en ligne
En principe, le contrat reflète la volonté des parties et prévaut sur les dispositions légales et réglementaires. Il est fréquent que les opérateurs de plateforme en ligne subordonnent l’utilisation de leur plateforme à des conditions générales de vente et/ou d’utilisation (CGV/CGU).
Il arrive cependant que ces conditions générales ne soient pas respectées par les exploitants, ou bien encore qu’elles soient abusives dans leur rédaction. Dans ces hypothèses, plutôt qu’une action en justice longue et coûteuse, et dont l’accueil par les juges n’est pas garanti, il peut être préférable de trouver une solution amiable (avec l’aide d’un médiateur ou d’un conciliateur par exemple). Si la résolution amiable du différend n’est pas possible, il convient alors de s’adresser à la DGCCRF, qui déterminera si elle est compétente ou non.
Parmi les infractions ou manquements pouvant être retenus concernant les rapports entre professionnels et opérateurs de plateforme en ligne, on peut citer par exemple :
Le déséquilibre significatif : à condition d’être en mesure de prouver (i) la soumission ou la tentative de soumission (pression et menace lors des négociations par exemple) de la part de l’opérateur de plateforme en ligne, (ii) l’existence d’obligation(s), issue(s) du contrat ou des conditions générales imposés par l’opérateur, créant un déséquilibre significatif, et (iii) les conséquences d’une telle pratique, le déséquilibre significatif pourra être retenu.
L’abus de dépendance économique : dès lors qu’un partenaire commercial se trouve dans une situation de dépendance économique, l’abus de son état de dépendance est interdit et sanctionné à condition toutefois que cet abus soit susceptible d’affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence.
3. Exemple d’un recours contre des exploitants de plateforme en ligne : l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 21 juin 2017
Le déséquilibre significatif entre professionnels a été introduit dans le Code de commerce par le législateur dans le but de lutter contre les abus dans le domaine de la grande distribution. C’est pour cette raison que l’extrême majorité des décisions rendues en la matière concerne exclusivement ce domaine.
Des décisions ont toutefois été rendues dans d’autres domaines d’activité, mais ces décisions s’inscrivent en marge du contentieux relevant du déséquilibre significatif.
Dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 21 juin 2017, étaient en cause les contrats régissant les relations commerciales entre des plateformes de réservation hôtelière en ligne et les hôteliers. Pour condamner les opérateurs de plateformes au paiement d’une amende d’un (1) million d’euros, la Cour a pris en compte plusieurs éléments, dont notamment : (i) la gravité des pratiques, qui en l’espèce était importante puisqu’elles émanaient d’opérateurs dont l’intervention était indispensable aux hôteliers pour vendre leurs services, (ii) le fait que les hôtels, dont aucun ne disposait d’une réelle force de négociation, ne pouvaient pas prendre le risque d’être déréférencés par les opérateurs de plateforme de réservation hôtelière, ou encore (iii) le fait que le recours à des plateformes pour vendre leurs services était devenu incontournable pour les hôteliers.
Bien qu’à travers cet arrêt, la Cour d’appel ait sanctionné des exploitants de plateforme en ligne, il convient de préciser qu’une seule action de la sorte a été accueillie par les juges dans le domaine, ce qui illustre leur volonté de faire prévaloir la liberté contractuelle entre professionnels, et de ne sanctionner que les cas d’abus les plus manifestes (en l’espèce, les plateformes imposaient aux hôteliers des tarifs particulièrement bas, et les obligeaient à permettre la réservation de l’ensemble de leurs chambres, ce qui limitait considérablement l’autonomie des hôteliers dans leur politique commerciale et tarifaire).
Maître Betty Sfez
Avocat au Barreau de Paris
www.avocats-sfez.fr
Très intéressant cet article, merci beaucoup.
Article extrêmement intéressant qui peut s’appliquer à beaucoup d’autres sujets, notamment en ce qui concerne la DGCCRF !